Alors que les contraintes administratives en constante augmentation donnent de plus en plus le monopole aux grosses structures, la réussite d’une petite société à devenir en quelques années, Centre de Formation, Transporteur Aérien et Opérateur de Travaux Héliportés méritait d’être saluée. Si on ajoute sa localisation attractive, ses infrastructures, sa flotte et la personnalité de son instructeur, cela méritait bien un reportage complet avec en essai sa machine phare, le Bell 206.
La Structure
La société Let’s Fly Helicopters & Jets basée à l’aéroport de Cannes-Mandelieu a été créée en 2013 par Cédric & Julie Bianchini.
Ses locaux se trouve dans l’enceinte de l’aéroport dans le hangar 14. Les bureaux sont situé au 1er étage du bâtiment dont la partie sur tarmac s’avère être un grand hangar à avion. La surface de 150 m² est confortable et composée d’un bureau, d’un espace détente, d’un grand open-space et d’une salle de cours.
La partie “Jets”, d’aviation d’affaire est géré par Julie et son associée Nathalia Blackmann. Elles exploitent leur propre avion, un Citation XL en plus de faire appel à différentes compagnies.
La partie “Hélicopters”, c’est le domaine de Cédric, pilote professionnel et instructeur depuis 2001 totalisant aujourd’hui environ 6500 heures de vol. Il est assisté depuis septembre 2015 par Lucy Hayward, responsable sécurité expérimentée. Elle a œuvré auparavant chez Azur Hélicoptères, Bond Offshore Helicopters et au SAF.
Let’s Fly a d’abord commencé par devenir centre de formation PPLH ATO (Approved Training Organisation) en avril 2014 après un dépôt de dossier l’automne précédent. Deux mois plus tard, la société recevait son agrément supplémentaire pour faire passer les QT R44, Bell 206, AS350 et AS355 et la qualification Vol de nuit. En fin d’année arrivaient les agréments pour les Dauphin N1 et N2 et la Gazelle.
Suite au recrutement et travail de Lucy, la jeune société cannoise a pu monter sa demande d’agrément de centre ATO section 2 pour proposer des formations de pilote professionnel fin 2015. Le précieux sésame est arrivé en mars 2016.
Le centre ATO a tenu à être complémentaire des structures voisines en orientant son offre uniquement sur les appareils à turbine, aussi bien pour les formations initiales de pilote privé, que pour des formations modulaires de pilotes professionnels ou les Qt. Le mot d’ordre étant avant tout souplesse et service à la carte.
La clef de voute de cette stratégie, en particulier pour les futurs pros, c’est le Bell 206 : Il permet de proposer un cursus directement sur machine à turbine, ce qui est forcément un atout pour le CV d’un jeune pilote professionnel, et cela avec un coût horaire similaire à celui du R44 dans les grandes structures.
Let’s Fly propose des formations Pro modulaire en stage intensif sur 5 semaines. Il y a 35 heures de vol à faire, dont 5 de nuit et 10 en vol sans visibilité (VSV). Le nombre d’heures minimum en fin de cursus dans tous les cas est de 185 heures, ce qui fait un début de cession à 150 heures pour un pilote privé « standard », 155 heures s’il a la qualification vol de nuit et 165 heures s’il a la qualification de vol aux instruments (IR). Le nombre de vol est en moyenne de 2 par jour (maximum 3) pour une durée de 45 minutes à 2 h30 sans excéder 4 heures en tout.
L’école est aussi centre de formation agrée « secteur aérien » en partenariat avec Pascal Ravel, ingénieur aéronautique de la société Time to Fly. Les cours proposés concernent les domaines de la réglementation EASA (Part M, Part 145, …), les métiers de l’aéronautique (CDCCL, EWIS, facteurs Humains, …) et ceux en rapport avec la sécurité et le management.
En mai 2017, la société cannoise a obtenu son agrément SPO pour les opérations commerciales spécialisées : Cela lui a ouvert les portes du levage que Cédric avait anticipées en passant les qualifications HESLO 1 à 4, ainsi que celles du largage, de la photo et de la surveillance aérienne.
En mars 2018, trois mois seulement après sa demande, Let’s Fly est devenu transporteur aérien avec la réception du fameux CTA. Cela lui a permis d’ouvrir en novembre de la même année une base dans les Caraïbes à l’Île de Saint Martin avec un As350 B2 dont les prestations sont commercialisées par West Indies Helicopters.
Enfin LFH & J a développé un partenariat avec Hélicoptères de Camargue dirigé par Maxime Blivet et basé à Candillargues.
Dans son hangar n°10 situé dans la partie Hélico au sud de l’aéroport de Cannes-Mandelieu (LFMD), vous trouverez un Bell 206, un AS350 B2 et un AS355
Le Pilote Instructeur
Cédric, né à Paris en 1972, a passé son enfance à Aix en Provence jusqu’à l’âge de 25 ans.
Après un Bac E et un DUT de Génie Mécanique, il enchaine sur un Diplôme Universitaire Aérotech à Gap qui lui donnera une maîtrise Poly-Aéro.
En 1998, la lecture d’une annonce d’une école professionnelle recherchant des candidats pour devenir pilote civil d’hélicoptère l’intrigue : Il s’agissait d’Héli Bourgogne basé à Cheu près d’Auxerre et dirigé par Marc Chevènement. En 1999 il intègre la première session avec simulateur de vol FNPT2. Sur huit élèves, quatre, dont fait partie Cédric, feront du simulateur afin d’évaluer les deux cursus en parallèle et de valider ou pas l’arrivée de ce nouvel outil. Après une quinzaine d’heures de simulateur, Cédric fut lâché très vite pour prouver que cela fonctionnait. A l’époque 110 heures suffisaient pour la formation Pro ab initio, mais le jeune Aixois en fit 135 avec le simulateur et sorti breveté sur Hughes 300 et Alouette 2.
Trois mois après son brevet, il demanda à intégrer un stage instructeur par anticipation, bien que n’ayant pas les 200 heures requises. Cela lui fut accepter, sans qu’il puisse bien sur exercer avant le seuil légal.
C’est à cette époque, en 2000 qu’il rencontra Julie dont le père louait son Bell 206 à Héli Bourgogne. Julie fut à ce moment, la plus jeune femme pilote professionnel breveté du haut de ses 17 ans et demi. Elle n’a cependant pas exercé par la suite.
Cédric fera quelques temps des mises en place et de la photo avant d’avoir sa première opportunité de travail à temps plein. Bien que n’ayant pas encore 150 heures de vol, il partit en 2001 au Sénégal pour faire du transport public sur Ecureuil et Bell 206. D’abord en double commande, il fut lâché à 150 heures au-dessus du Lac Rose et fit ensuite 650 heures en deux ans.
Son contrat achevé, il refit valider sa licence d’instructeur et répondit à une annonce de Mont Blanc Hélicoptère. Ils cherchaient un pilote-instructeur pour le propriétaire d’un Ecureuil qui ne voulait pas piloter seul sa machine. Il fut retenu et vola dix-huit mois entre Annemasse, Paris et Cannes avant de se retrouver sans travail du jour au lendemain.
Fin 2005, Cédric se rendit trois mois aux USA pour passer son CPL US IR. A son retour début 2006, il fut recruté chez Azur Hélicoptère à Cannes pour faire du transport de passager sur EC120 et AS350.
Après quelques mois, il passa ses QT R44 et R22 pour faire de l’instruction et fit plus de 1000 heures de vol sur deux ans.
En 2008, le père de Julie racheta Jet Azur, société de formation de pilotes basé à Cannes qui avait des contrats avec des armées africaines. Cédric intégra cette société de 2009 à 2013 pour former des pilotes militaires ab initio pour le Sénégal et le Cameroun. Les formations furent menées chez Jet Système Hélicoptère Services à Valence sur Bell 206 avec deux autres instructeurs (plus de 2000 heures réalisées). En 2009, il eut la chance de piloter l’hélicoptère d’assistance et de prise de vue du Heroes Legend, un rallye auto-moto hollandais, petit frère de l’ancien vrai Paris-Dakar.
La suite de ce parcours civil trépidant, vous la connaissez. A 49 ans, Cédric cumule 188h de R22, 725h de R44, 175h de A109, 200h de H300, 887 h de Bell 206, 2200h de AS350, 110h de AS355, 370h d’EC120 et 55h de Dauphin. !
Et pour vous parler d’un instructeur, rien de mieux que de servir de cobaye : J’ai donc testé pour vous Cédric pendant deux jours pour qu’il me fasse découvrir son Bell 206 B, le F-HPHY, machine mythique s’il en est !
L’appareil
Quelques mots sur l’appareil avant de partir en l’air :
Le Bell 206, plutôt rare en France avec moins d’une vingtaine d’exemplaires, est l’appareil léger multi rôle le plus répandu dans le monde avec l’Ecureuil. Il est très connu en tant qu’appareil des chaines de TV et des forces de police, y compris en Europe, étant couramment à l’affiche de films et séries américaines. Il équipe de très nombreuses forces armées pour la formation des pilotes et de la reconnaissance. Il y en a eu environ 7500 de fabriqués.
Le Bell 206 fut développé à partir de cinq prototypes construit entre 1961 et 1965 pour répondre à un concours de l’armée américaine lancé en 1960. Bien que perdant devant le Hughes OH6, Bell améliora le design de l’appareil et le baptisa Bell 206A Jet Ranger pour le commercialiser dans le civil. La certification FAA du bipale 5 places eu lieu en octobre 1966 et la première livraison en janvier 1967. En 1968, l’appareil fut sélectionné par la Navy pour la formation (TH57 Sea Ranger) et par l’armée pour de la reconnaissance (OH58 Kiowa). La version 206B sorti en 1971 avec la turbine Allison 250-C20 de 420 cv. Puis vint en 1977 la version B-3 avec un rotor anti couple plus puissant et une nouvelle turbine. (L’appellation B-2 revient aux 206B modifiés en B-3).
En parallèle, en 1975, Bell sorti une version rallongée de 76cm, le 206 L qui permettait 2 places supplémentaires. L’appareil encore construit eu beaucoup de succès également et fut amélioré plusieurs fois jusqu’à la dernière version L-4 équipée d’une turbine Allison 250-C30P de 495 cv. Au milieu des années 90, une version biturbine fut développée, le 206LT Twin Ranger mais seulement treize appareils furent construits, le Bell 427 étant sorti entre temps. Le Bell 206B-3 n’est plus fabriqué et a été remplacé par le Bell 505 Jet Ranger X en 2017.
Quelques spécifications pour le Bell 206B :
Longueurs fuselage : 9.89m ; totale : 11.96m – Diam. Rotor : 10.15m – Diam Rac : 1.58m
Hauteur : 2.91m – Poids : à vide : 730 kg ; max : 1450 kg
Vitesses : croisière : 105-110 kts ; max : 130 kt – Réservoir : 340 litres – Consommation : 110l /h
Autonomie : 3h soit env. 650 km – Plafond : 6096 m.
Les Vols d’essais
Le Bell 206 est plus petit qu’un Ecureuil ou qu’un EC120. On est installé plutôt à l’avant avec une assise droite, un peu trop même. Les commandes tombent bien sous la main et s’avèrent agréables. Le cyclique à un débattement raisonnable et une sensibilité bien dosée avec l’hydraulique. Les palonniers sont linéaires et de course idéale. La visibilité est bonne vers l’avant avec le nez vitré en sous face mais limitée sur les côtes avec le bas des portes plein.
La mise en route, quoiqu’on entende sur le sujet, n’est pas si complexe. Cédric m’enseigne la technique avec les deux mains sur le collectif et le chronomètre à lancer pour aller de 58 à 70%. Il y a 2 pompes électriques en plus de la mécanique et l’instrumentation et les alarmes sont complètes. Selleries et garnitures refaites à neuf sont confortables et enfin le niveau sonore est très correct. Là où il y a le plus de décibels, c’est quand les pales claquent en descente, mais ça, c’est de la musique !
Le premier décollage est facile, le « jaugeage » de l’appareil au cyclique étant aisé et les commandes « évidentes ». Transition et décollage me donnent l’impression d’avoir déjà piloté cette machine avant à moins que cela soit l’instructeur qui explique bien…
Mon premier vol nous amène après un beau parcours maritime le long des corniches de l’Estérel en plein cœur du massif du même nom sur un pic avec une bonne DZ. Mon premier atterrissage est propre et intuitif sans avoir à batailler : second bon point en attendant l’image espérée à la fin du week-end.
Après dépose de mon assistante de prises de vue, je repars avec Cédric faire quelques évolutions dans les canyons environnants et faire quelques passages pour engranger des images. Je prends beaucoup de plaisir avec cet étonnant hélicoptère de 40 ans !
Nous enchainons le second vol de mon premier jour de visite à Cannes et partons au nord-ouest dans la l’arrière-pays vers St Paul-en-Forêt.
Après 10 minutes, nous arrivons dans un champ entouré d’arbres pour lequel Let’s Fly à l’autorisation du propriétaire. J’effectue un atterrissage en douceur pour une rapide seconde dépose en haut d’une butte et je repars en marche arrière pour un peu de mania sol en bas du champ. Atterrissage en dévers et un cercle nez au centre précèdent deux tours de piste avec approche de précision et décollage dynamique.
Arrive l’heure de rentrer en n’oubliant pas de reprendre ma passagère préférée au milieu des herbes. Le retour direct sur Cannes-Mandelieu permet d’apprécier la stabilité de l’appareil et son équilibre autour des 110 nœuds. L’approche en vent arrière sur la mer reste un must pour rejoindre la piste secondaire 22-04 obligatoire pour les hélicos.
Finale et mise en stationnaire, puis transition et atterrissage vers mon plot 64 sont dans la lignée du reste : Etonnant de facilité et d’agrément ce vieux Jet Ranger !
Le lendemain, la météo n’est pas de la partie. Un coup de vent avec orage est attendu à la mi-journée. Le vol prévu dans le Var, vers le Luc chez Bruno, restaurant très connu avec sa DZ, est annulé. On tente plus près à l’aérodrome de Fayence, situé à 25 km et qui dispose aussi d’une bonne adresse pour déjeuner. Ça bouge un peu à l’aller avec 15-20 nœuds de vent, mais je ne suis pas en R22 et la machine absorbe sans broncher en me laissant serein.
A l’arrivée sur Fayence, les conditions permettent une auto-rotation. Cédric me déclenche et je gère la suite facilement, la machine ne perdant pas ses tours facilement grâce à son rotor à grosse inertie. La réduction à 60 nœuds se fait tranquillement et l’appareil part sur un plan de chute à pente modérée, dans les 5 de finesse, avec des paramètres faciles à conserver. Le flare se fait assez bas sans être trop accentué. La machine répond facilement à casser ses deux vitesses et à se remettre à plat pour être reprise en puissance par mon instructeur avant que je reprenne les rennes. Il faut bien qu’il bosse un peu même si on est dimanche !
J’effectue une longue translation vers le parking et finit le trajet par une panne en stationnaire. Cédric réduit les gaz et me dis de ne pas m’affoler: J’attends donc de voir une demie seconde et finalement ne met pas du pied droit plein pot. J’ai raison parce que l’appareil ne part pas en lacet à gauche : il reste en ligne et je n’ai qu’à attendre le sol pour soulager au collectif : Encore un truc étonnant.
Après un bon déjeuner avec de l’eau dans les verres et dans le ciel, il n’y a plus que quelques gouttes en milieu d’après-midi et nous pouvons repartir. L’aérodrome, d’habitude si fréquenté, est désert et nous en profitons pour faire un tour de piste après avoir déposé nos passagères-assistantes. Un peu de mania et une approche rapide et pentue me perfectionne encore un peu plus à cette sacrée machine et me font songer à la QT : Oups, on se calme !
Le ciel s’améliorant, nous ne repartons pas directement et prenons plus au sud pour repasser par le massif de l’Estérel et la belle anse d’Agay à l’Est de St Raphaël. On a alors la chance de récupérer quelques rayons de soleil pour éclairer les beaux rochers rouges du Pic du Cap Roux.
Le retour au-dessus de la mer est toujours aussi enchanteur, malgré ses risques certains avec une eau encore bien fraiche. Après Miramar et Notre Dame d’Afrique, ce sera la finale 04 cette fois avec ses 36 plots pour hélicos pour un retour au sol toujours en douceur et avec des souvenirs pour très longtemps : La turbine, ça énerve !…
C’est avec grand plaisir que je fais remplir mon carnet de vol avec ces deux premières vraies heures de « turbine », même si j’avais déjà fait du R66 en place gauche et de l’APU avec le Kiss 209 ou l’ES101.
Le Bell 206 apparait vraiment comme une machine idéale pour se former aux commandes d’un hélicoptère à turbine avec sa facilité de pilotage et son coût.
Mais si vous prenez en plus les services d’un instructeur sympathique, expérimenté et pédagogue comme Cédric, ça n’en sera encore que mieux.
Un grand merci à Cédric et Julie Bianchini et à toute l’équipe Let’s Fly pour leur accueil et cet essai mémorable du célèbre Jet Ranger.
Let’s Fly Helicopter & Jet : Hangar 14 – Aéroport Cannes Mandelieu, 245 Avenue Francis Tonner, 06150 Cannes – 04 93 90 51 91 – www.lfhj.fr.